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Hip Hop Gabonais – pourquoi ça ne s’exporte pas?

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A l’instar de ce qui se produit en Afrique de l’ouest (au Ghana et au Nigeria pour ne pas les citer), voir plus proche de nous (Cameroun), le Hip-hop, après un moment de semi-léthargie sur la scène internationale, semble connaitre un renouveau sans précédent ces dernières années. En effet, sur les scènes du monde entier Davido, Wizzboy, P-square, Bisa-Kdei, Magasco, Yemi Alade ou Chidimna font chaque semaine le bonheur des pistes des night-clubs.

Au Gabon, des artistes aguerris comme Ba’Ponga, Mauvaizhaleine, ceux de la nouvelle vague comme NG Bling, J-Rio, Shan’L, Tina et bien d’autres, représentent cette dynamique artistique. Mais en comparaison à ce que l’on voit au Nigeria et au Ghana où de véritables empires musicaux existent comme EME, DB Records aux cotés de majors telles que Sony Music ou Atlantic Records qui garantissent à leurs artistes de confortables royalties, comment expliquer une telle absence au Gabon ?

Selon les professionnels du secteur, le hip-hop gabonais en particulier et la musique gabonaise en général connait 3 difficultés majeures à savoir : une absence totale de législation, un déficit criard en ressources humaines et en formation et un manque de structures de promotion et de distribution.

1. Absence de législation:
Il est malheureux de constater qu’au Gabon, les lois en matière de droits d’auteurs sont inappliquées au risque de dire qu’elles sont inexistantes. Malgré la création par le gouvernement de l’Agence Nationale de Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC), on est au regret de constater son absence d’efficacité sur le terrain. Or, la mise en place d’une véritable législation visant à protéger tous les acteurs de ce secteur est la condition sine qanun pour leur garantir un minimum de revenu et ainsi leur permettre de ne pas vivre dans la précarité. La mise en place d’une véritable politique de protection des œuvres de l’esprit qui doivent être considérées comme des biens commerciaux à part entière, devrait être la priorité N°1 des pouvoirs publics.
Cette situation fait donc le malheur aussi bien des auteurs, compositeurs, interprètes, producteurs, ingénieurs du son ainsi que tous les acteurs de cette filière qui ne bénéficient nullement du fruit de leur labeur.

2. Déficit en ressources humaines et formation:
Au Gabon, tous les acteurs du monde de la musique ont commencé sur le tard. Guidés par leur passion, ils ont décidé d’en faire un métier sans pour autant en avoir reçu la formation. C’est ce qui explique les graves manquements que l’on peut parfois observer sur un plan purement professionnel. En outre, le gros déficit en ressources humaines fait que ces acteurs sont parfois obligés d’embrasser plusieurs métiers à la fois, y compris ceux pour lesquels ils n’ont pas de réelles compétences. On retrouve ainsi dans la production, la promotion et le management artistique des personnes qui n’y connaissent pas grand-chose pour ne pas dire rien du tout. Cette situation crée des confusions de genres puisque très souvent ce sont les mêmes acteurs que l’on retrouve à tous les postes.
L’absence de structures de formation fait que la plupart des acteurs de la musique travaillent sans véritablement connaitre le métier qu’ils disent pratiquer. De même, la filière musicale en particulier et artistique en générale attire très peu de nouveaux postulants même si ce secteur jouit d’une meilleure visibilité médiatique. Cette faible attractivité est liée au fait que le secteur de la musique offre peu de garanties en terme sécurité d’emploi aux yeux de nombreux étudiants gabonais qui préfèrent ainsi embrasser des métiers annexes tels que la communication ou le management artistique. La création prochaine d’une école de musique à Libreville devrait permettre de palier à cette difficulté majeure.

3. Absence de structures de promotion et de distribution :
C’est là encore l’un des graves manquements que l’on peut observer au Gabon. En effet, comment expliquer aujourd’hui, que la plus grande ville du pays avec plus de 800.000 habitants n’ait toujours de salle de concert digne de ce nom ? La seule salle de spectacle de la capitale se trouve à L’Institut Français du Gabon (IFG) et a une capacité de 400 places assises, ce qui est loin de ce l’on peut voir au Cameroun ou en Côte d’Ivoire où les salles de concert peuvent accueillir des milliers de spectateurs. Ce vide oblige les artistes à se produire dans de petites salles lors de petits évènements n’ayant aucune véritable portée médiatique. Le manque de salles de spectacles à l’intérieur du pays rend difficile l’organisation de tournées et constitue un frein à l’arrivée d’éventuels investisseurs spécialisés dans l’organisation de tournées.
En outre, l’absence de véritables circuits rend difficile tout contrôle des réseaux de distribution. La conséquence qui en découle est que la distribution discographique gabonaise est gangrénée par le piratage, rendant ainsi impossible la mise en place d’une vraie filière de distribution de la musique qui assurerait à ses acteurs du hip-hop des revenus substantiels. L’histoire nous rappelle l’expérience Dreamline store qui s’était donné pour mission de rendre la musique gabonaise accessible à tous, partout et à moindre coût. Aujourd’hui, le système de vente ‘’Dreamline’’ à pratiquement disparu sinon complètement et la structure s’est orientée dans la production ainsi que le mangement des artistes ; ce qui nous laisse penser que la structuration d’un véritable circuit de vente au Gabon n’est pas une mince affaire.

Enfin, le peu d’acteurs dans le secteur de la promotion musicale au Gabon constitue une épine dans son pied. En effet, on ne compte qu’une seule radio urbaine et pas du tout de chaine de télévision 100% urbaine. Cette situation oblige les artistes à se tourner vers l’extérieur pour promouvoir leur musique. Ces chaines musicales (dont Trace TV pour ne pas la citer ou plus nouvellement BBlack ) obligent les artistes à adopter leur propre standard au détriment de l’originalité du hip-hop gabonais. Résultats : la musique gabonaise qui est diffusée parmi les musiques Nigériane, ghanéenne, camerounaise, congolaise et ivoirienne qui elles bénéficient d’une meilleure promotion à l’international, rend très difficile toute visibilité. Raison pour laquelle, la reprise des chansons étrangères s’impose de plus en plus au Gabon, car, ne pouvant pas imposer leur style, ils surfent sur des succès étrangers espérant bénéficier du même ‘’buzz’’.

De même, les artistes hip-hop gabonais utilisent peu les nouvelles technologies qui offrent de formidables opportunités de distribution notamment grâce aux sites de téléchargement en sligne de musique. En effet, bien que la plupart d’entre eux soient présents sur les réseaux sociaux, très peu malheureusement savent en tirer en profit à l’instar de leurs homologues… nigérians et ghanéens.

JP

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