Tout au long de l’histoire récente du Gabon, la musique a toujours été un moyen d’expression politique. En effet, durant le monopartisme des années 70 et 80, les artistes ont toujours été le relais soit du pouvoir qui en usait comme un moyen de propagande soit pour les opposants au régime qui en faisaient ainsi un moyen d’expression de leur opinion contestataire. Certains artistes ont connu les geôles ou l’exil tandis que d’autres étaient auréolés de gloire et d’argent. La culture hip-hop qui était encore en gestation n’avait pas encore sa place et c’est ce qui explique la position de neutralité qu’elle occupait à l’époque.
Le retour au multipartisme au lendemain de la conférence nationale va considérablement changer cette donne. La jeunesse, assoiffé de liberté d’expression va trouver dans la musique hip-hop l’instrument dont elle avait toujours rêvé. S’inspirant des modèles des ghettos américains (Public Enemy, NWA) et des cités françaises (NTM, IAM), elle va très vite trouver sa voie. En 1991, un groupe au nom improbable, le V2-A4, va immédiatement s’illustrer avec la chanson « Révolution » qui est devenue un classique du genre. Cette chanson qui dénonçait les pratiques autocratiques du régime de l’époque va inonder les appareils stéréos dans tout le pays. Durant des mois, tous les jeunes reprenaient en chœurs les paroles. Les V2-A4 sont toujours considérés, à juste aujourd’hui, comme les pères fondateurs du rap gabonais. Cet exemple va aussitôt être suivi par des milliers d’autres comme CIA Possy ou Movaizhaleine. En grande majorité, les thématiques des rappeurs restent en gros les mêmes à savoir : la dénonciation des injustices sociales, le chômage, la violence ou la drogue, maux dont ils souffrent pour la plupart car issus de milieux défavorisés.
Durant les différentes élections qui vont avoir lieu, aucun rappeur ne prendra position en faveur d’un homme politique car ils les accusent d’être des irresponsables corrompus qui ne se soucient pas du développement du Gabon. Mais cette position va évoluer notamment lors de l’élection présidentielle de 2009. En effet, lors de ce scrutin, des artistes hip-hop vont pour la première fois prendre ouvertement position en faveur d’un candidat et même participer à la campagne électorale de celui-ci. C’est le cas avec le groupe Ha’yoe qui va soutenir le candidat Ali Bongo Ondimba du parti au pouvoir. Pendant la campagne présidentielle, on verra des artistes hip-hop durant les meetings politiques des candidats leur apporter leur soutien. Cette période va mettre fin à la neutralité des artistes hip-hop. Cette situation n’est pas unique au Gabon. On se souvient tous des publicités des artistes afro-américains appelant à voter pour Barack Obama en 2007. De même, en France, on a vu des rappeurs tels que Doc Gyneco soutenir Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. Mais l’entrée d’un rappeur dans le champ de la politique n’est pas sans conséquence car un mauvais choix peut parfois s’avérer fatal pour la carrière de l’artiste. Il n’est pas toujours facile de concilier ce qui culturellement oppose deux champs à savoir la musique hip-hop et la politique.
Par Jean Paul