Nous avons voulu nous intéresser au parcours de Papa Wemba afin de comprendre l’origine de son succès et de sa très belle carrière; Il apparaît clairement qu’il fait partie de ces artistes africains qui ont réussi leur transition musicale touchant ainsi un plus large public au delà de leur frontières. en espérant que cela en inspire certains d’entre vous ….
Toute sa vie, il l’aura consacrée à sa passion : la musique. Son dernier souffle, il l’aura rendu là où il se sentait le plus chez lui, à savoir la scène. Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, mondialement connu sous le nom de Papa Wemba, aura tiré sa révérence le 24 avril dernier lors du Festival des Musiques Urbaines d’Abidjan (FEMUA) où il était venu une fois de plus régaler les mélomanes de la musique africaine de son immense génie. Papa Wemba, c’était 40 années de musique avec plus d’une trentaine d’albums à son actif. C’est cette carrière très prolifique qui l’aura mené dans les podiums du monde entier. En outre, le natif de Lubefu, dans la province du Sankuru, au centre de la République Démocratique du Congo, était également l’une des figures emblématiques d’un mouvement né dans les années 80 : la SAPE. Aux côtés de personnalités excentriques telles que Djo Balard, Papa Wemba fera les beaux jours de la Société Africaine des Personnes Elégantes, qui fera des milliers d’adeptes partout sur le continent africain et même au sein de sa diaspora, surtout en Europe. Artistiquement, Papa Wemba aura tout connu. Il aura travaillé avec les plus grands artistes africains et étrangers. Grâce à cette volonté d’élargir son style musical, il n’hésitera pas à prendre des risques et c’est justement cette capacité qui va lui permettre de connaître les sommets.
Durant l’automne 1993, Papa Wemba dont la notoriété était déjà bien établie sur le continent africain, décide donner une nouvelle tournure à sa carrière. En effet, il est décidé à s’attaquer à un nouveau courant musical appelé la World Music. C’est un style né au début des années 1990, grâce à 2 grandes figures de la musique anglaise des années 70 et 80 : Peter Gabriel et Sting. Au la suite de la tournée mondiale organisée par une association de lutte contre le VIH-Sida, les ex membres des groupes Genesis et Police avaient collaboré avec des artistes africains tels Youssou N’dour, Ismael Lô et Angélique Kidjo. De cette collaboration était né une musique, savant mélange des rythmiques africaines et du style occidentale fait de rock, de soul et de rythm’ and blues. Youssou N’dour caracolait en tête des ventes dans plusieurs pays d’Europe et aux Etats-Unis avec son duo avec Neneh Cherry « 7 seconds ». La diva béninoise Angelique Kidjo était récompensée d’un Grammy Award pour le titre « Agolo », de même que Ismael Lô faisait vibrer les mélomanes du monde entier avec son titre « Tajabone ». Il était clair dans l’esprit du roi de la rumba congolaise, qu’il avait lui aussi sa partition à jouer dans ce nouvel horizon qui se présentait à lui.
Pour mener à bien ce projet, il va d’abord faire un peu de ménage chez lui. En effet, il va s’attaquer à sa propre formation musicale, Viva la Musica qui deviendra Viva la Musique International, en se séparant des membres qu’il jugeait incapables de suivre la nouvelle ligne artistique. Ensuite, il va s’entourer de la nouvelle garde de la musique congolaise, avec notamment Lokua Kanza, jeune auteur compositeur encore inconnu originaire du Kivu et de Maïka Munan ainsi que des producteurs anglais Stephen Hague et Peter Gabriel. Il ajoute également la collaboration et de la chanteuse Juliet Roberts.
En mars 1995, sort l’album « Emotion ». C’est un véritable raz-de marée qui s’empare des ondes du monde entier. Le titre « Yolele » devient très vite numéro 1 dans plusieurs capitales européennes et africaines. La reprise de la chanson d’Otis Redding « Fa fa fa fa » avec les voix de Juliet Roberts et de la diva Aretha Franklin achève d’installer l’album à la tête des meilleurs ventes de cette période.
La grande force de cet album est que le chanteur à la « voix de rossignol » aura su mêler avec brio les sonorités africaines au son du lingala avec les battements, les basses caractéristiques de la pop anglaise ainsi que de la musique Folk américaine. Emotion sera vendu à plus de 500.000 exemplaires aux Etats-Unis, et sera consacré « meilleur album africain de 1995 ». Avec cet album, le chanteur congolais entre dans le cercle très fermé des chanteurs africains de World Music.
Plus de 20 après la sortie d’Emotion et quelques semaines après sa brutale disparition, Papa Wemba est entré dans la panthéon des artistes africains qui auront fortement empreigne de leur empreinte indélébile le siècle dernier. Et les chansons Yolele, Show me The way, Fa fa fa fa et autres Images continueront de bercer nos oreilles pour l’éternité…
Voici comment on réussi une belle transition musicale.